Résumé
Environ tous les cinq ans depuis 1970, 5% des résidents de la Grande Région de Montréal se prêtent au fardeau de répondre aux entrevues téléphoniques tenues dans le cadre des enquêtes ménages Origine-Destination et fournissent des informations détaillées à propos des déplacements quils ont faits lors dun jour spécifique dautomne. Ces enquêtes colligent des détails à propos de chaque ménage, chaque personne et chaque déplacement. En 1998, 65 227 ménages, rassemblant 164 075 personnes, ont déclaré avoir fait plus de 380 000 déplacements. En parallèle, ces mêmes résidents se soumettent au questionnaire des recensements canadiens tenus aussi tous les cinq ans, recensements qui permettent de caractériser les univers dunités de logement, de ménages, de familles et de personnes.
Cette recherche sintéresse aux interactions entre dynamiques spatiales et mobilité urbaine et sinscrit dans le paradigme totalement désagrégé. Cette approche conçoit la modélisation sous une perspective informationnelle et oppose la connaissance construite à laide des données les plus détaillées, aux modèles de nature synthétique et agrégée.
En guise de première contribution, cette recherche propose une conceptualisation du système urbain cadrant, par le biais de dix problématiques, les enjeux de la modélisation intégrée des interactions entre dynamiques spatiales et mobilité urbaine:
A. Mesure de la mobilité quotidienne: La mobilité observée est le résultat d'un désir ou besoin comblé de participer à une activité hors domicile. Plusieurs indicateurs permettent de la caractériser: taux de mobilité, distance parcourue, parts modales, distribution temporelle, type dactivité, etc.
B. Caractérisation des tendances socio-démographiques: Les attributs de ménages et des personnes ont une incidence sur les comportements de mobilité. Les tendances lourdes telles que la motorisation croissante, la diminution de la taille des ménages ou le vieillissement de la population affectent les stratégies de déplacement.
C. Étude des stratégies de localisation résidentielle: Les ménages et personnes remplissent leur devoir de citoyen en regard dune appartenance territoriale, dun lieu de résidence. Le choix de ce lieu de résidence, en termes de localisation et type dhabitation, influence les comportements de mobilité.
D. Analyse des dynamiques de construction résidentielle: Les choix résidentiels des ménages sont contraints par la disponibilité dopportunités dhabitation. Lanalyse des dynamiques de construction résidentielle documente lhistorique de la construction résidentielle sur le territoire et informe sur le processus de structuration du territoire urbain comme espace fixe de vie.
E. Analyse des dynamiques de localisation des lieux d'activités: Similairement, le degré de liberté des individus en termes de réalisation dactivités dépend de lexistence de lieux aptes à soutenir celles-ci : travail, études, loisir, magasinage.
F. Étude de lutilisation des lieux dactivités: Par leurs activités quotidiennes, les individus modifient la structure spatiale des attributs socio-démographiques, généralement appréciée selon le lieu de résidence. Létude des stratégies dutilisation des lieux dactivités sintéresse aux bénéficiaires des différents lieux dactivités ainsi quau suivi des populations actives lors dun jour moyen.
G. Caractérisation des rythmes dactivité: Létude des rythmes dactivités (motifs, modes, utilisation du temps) mesure l'activité quotidienne de différents segments de population. En effet, la structure des activités quotidiennes dun individu procède de différentes contraintes et libertés, modulées par ses propres attributs (genre, âge, occupation) ainsi que par son cadre de vie (ménage dappartenance, culture).
H. Étude des liens dactivités (relation entre lieu de domicile et lieu dactivité): Le lieu et la nature du domicile des voyageurs sont aussi des variables critiques dans létude de la consommation des différentes fonctions urbaines. Ces liens dactivités révèlent dune part la perception des personnes face aux coûts de déplacement et permettent dautre part dapprécier les conséquences de la mobilité motorisée sur la configuration spatiale des activités urbaines régionales.
I. Caractérisation des réseaux de transport et de lespace urbain: Cette problématique porte sur la définition de lespace urbain sur lequel sarticulent les multiples activités quotidiennes, espace délimité par les frontières géographiques, les infrastructures routières et les services de transport en commun.
J. Mesure de lutilisation des infrastructures de transport : Sous la perspective des réseaux de transport, la mobilité se mesure en termes de consommation de service. Cette problématique s'intéresse à l'utilisation des différentes infrastructures publiques et privées par des marchés de mobilité.
La construction de points de vue permettant dapprofondir ces différentes problématiques soulève plusieurs exigences. Dabord, la disponibilité de données nest que lamorce dun processus complexe. Un cycle dutilisation des données a été articulé afin de conformer les données sources aux exigences analytiques spécifiques. Ce cycle implique notamment des opérations de filtrage, standardisation, transformation, fusion et analyse des données, soutenues par des technologies informationnelles variées : système de gestion de bases de données, système dinformation géographique, logiciel de statistique et de statistiques spatiales, fonctionnalités totalement désagrégées, tableur.
En outre, dans une recherche de méthodes plus raffinées dexploitation des données, différentes méthodes applicables aux données spatiales (statistiques spatiales, géostatistiques, géométrie fractale) ont été expérimentées afin dapprécier leur intérêt dans un cadre formel de modélisation intégrée des interactions urbaines. Cet effort a permis de valider lapplicabilité de plusieurs méthodes, de démontrer leur capacité à résumer la connaissance disponible dans les ensembles de données exploités et didentifier les pistes souhaitables dadaptation au contexte urbain.
Des multiples procédures développées, la méthodologie de fusion permettant de lier les observations denquêtes Origine-Destination aux plus fines entités statistiques des recensements canadiens, est la plus significative. Cette méthodologie apparaît comme une contribution importante au processus de modélisation puisquelle permet de construire des bases de données intégrées où les personnes et ménages échantillonnés lors des enquêtes Origine-Destination (1987, 1993 et 1998) héritent dattributs socio-démographiques disponibles uniquement dans les recensements (1986, 1991 et 1996). Cette méthodologie implique :
-une méthode dallocation spatiale permettant dattribuer une zone dinfluence exclusive à chaque secteur de dénombrement;
-une méthode dassociation spatiale de chaque ménage échantillonné à un secteur spécifique de dénombrement ;
-une méthode de définition de distributions conjointes pour les attributs de recensements qui sont transmis aux ménages et personnes échantillonnés ;
-une méthode de pondération des ménages échantillonnés (quatre classes de taille), ce qui requiert lapplication dune méthode dagrégation spatiale basée sur ladjacence ;
-une méthode de transmission dattributs aux ménages et personnes soutenant notamment la pondération propre à chaque classe de ménages.
Cette méthodologie présente lavantage de sopérer à un haut niveau de résolution spatiale et de sappliquer uniformément pour les trois couples de données, fait non négligeable puisquà ce jour aucune pondération comparable nexistait.
Finalement, les ensembles de données fusionnées sont mis à lépreuve pour documenter les dix problématiques cadrant le système urbain. Cette section considérable de la thèse est un effort de conceptualisation de points de vue analytiques, dintégration de technologies informationnelles pour représenter les phénomènes urbains et denrichissement de la connaissance pouvant être tirée des données utilisées, classiquement, pour soutenir les modèles de prévision de la demande. |